PYE MARLOT
LE SILENCE ET L'OUBLI
LE PANTIN
PYE MARLOT

commencer la lecture

Chanter, c’est combiner de manière mélodieuse des sons produits par les vibrations périodiques des cordes vocales.
Il faut bien que le corps expire, sue, s’exprime quand l’air reste bloqué dans la cage thoracique, que la voix s’étreint dans la gorge et que les poumons suffoquent. Alors les jambes se tendent, les bras se replient contre la poitrine, les poings se ferment, la nuque se raidit ; tous les muscles se contractent autour des os, même la graisse semble se durcir : le corps s’économise, se resserre sur lui-même, se protège. Ses mouvements sont petits, saccadés, brusques. Tout se joue à l’intérieur. Non pas dans le cerveau ou dans l’âme : non, dans les viscères. Le chant traine, gargouille, chuinte, s’échappe de la bouche comme une vapeur épaisse, puis se libère.
La respiration reprend, le corps se détend, les tripes se dénouent quelques secondes ; et soudain, les nerfs, les tendons, la moelle éclatent. Le son explose. Et Jamie Stewart s’anime. Electrifié par le bruit. Dynamité de l’intérieur. Les système nerveux à vif, jouet d’un marionnettiste invisible qui tirerait dessus comme sur des fils pour lui donner vie.
Il n’y a plus de mélodie, plus de musique, juste des éclats, du fracas, du tonnerre, qui se cognent aux parpaings des murs et qui résonnent sous la charpente métallique de l’entrepôt, lieu mystérieux d’un concert faussement improvisé.
Il n’y a plus que des bruits sauvages et bruts comme le langage le plus simple de la colère, du désespoir et des amours contrariées.
Et il y a ce pantin que nous sommes venus admirer, ce fantoche bouleversant et pathétique, qui s’agite, se contorsionne, et s’épuise sur la scène.
Article pour le blog Konfuzi,
concert de Xi xiu au Grrrnd Zero, Lyon, 12 mai 2014.